

La Corée du Sud élit son nouveau président pour tourner la page de la loi martiale
Les Sud-Coréens affluent mardi dans les bureaux de vote pour désigner leur nouveau président et mettre fin à six mois de chaos politique causé par la tentative ratée du précédent chef de l'Etat Yoon Suk Yeol d'imposer la loi martiale.
Les bureaux fermeront à 20H00 (11H00 GMT mardi), moment où les premiers sondages réalisés à la sortie des urnes devraient dévoiler le probable vainqueur.
"Nous étions les premiers à arriver avec l'espoir que notre candidat soit élu, et parce que l'élection présidentielle est la plus importante", a indiqué à l'AFP Yu Bun-dol, 80 ans, qui a fait la queue pour voter très tôt dans le quartier de Munrae-dong à Séoul.
Le chef de l'opposition de centre-gauche Lee Jae-myung, qui avait perdu d'extrême justesse face à Yoon Suk Yeol en 2022, est le grand favori de cette présidentielle à un seul tour.
Le dernier sondage Gallup autorisé avant l'élection le crédite de 49% des suffrages, contre 35% pour le conservateur Kim Moon-soo, du Parti du pouvoir au peuple (PPP, droite) — l'ancienne formation de M. Yoon.
S'agissant d'un vote anticipé destiné à combler le vide à la tête de l'Etat, le vainqueur prendra ses fonctions dès sa proclamation par l'autorité électorale.
- Forte participation -
Les Sud-Coréens espèrent que ce scrutin leur permettra de tourner la page après six mois de chaos politique marqué par des manifestations massives, des rebondissements judiciaires et une succession inédite de présidents intérimaires.
Park Dong-shin, 79 ans, vote "pour créer un nouveau pays une fois de plus", disant à l'AFP accorder sa voix au candidat qui, selon lui, "s'occupera comme il faut" des instigateurs de la loi martiale.
Les milieux d'affaires, pour leur part, attendent avec impatience l'arrivée d'un président stable pour piloter la quatrième économie d'Asie, très dépendante de ses exportations, dans un environnement agité par les guerres commerciales du président américain Donald Trump.
Sur les 44,3 millions d'électeurs, plus d'un tiers ont déjà voté de façon anticipée jeudi et vendredi. A 13H00 locales (04H00 GMT), la Commission électorale rapportait une participation de 62,1%, contre 61,3% au même moment en 2022.
L'ex-président Yoon a voté mardi à Séoul, sans dire mot aux journalistes.
- Droite fracturée -
L'épisode de la loi martiale devrait peser considérablement sur le scrutin.
Lee Woo-hyun, un professionnel du divertissement de Daegu (sud) et électeur conservateur de longue date, confie à l'AFP que le fiasco de la loi martiale l'a "vraiment bouleversé".
"Quand je discute avec mes parents et d'autres personnes âgées, je vois qu'ils s'éloignent des rouges", explique cet homme de 45 ans, en faisant référence à la couleur emblématique du PPP.
"Ils semblent profondément choqués", poursuit-il, affirmant que les événements "semblent avoir ravivé des souvenirs traumatisants" chez la génération ayant connu les dictatures militaires du passé.
Park Yeon-ok, 64 ans, qui travaille dans une entreprise sociale à Gwangju (sud-ouest), votera pour le candidat conservateur, qu'elle juge le plus capable de "combler" les divisions.
Pour Kang Joo-hyun, professeure de sciences politiques à l'université féminine Sookmyung, "l'élection est largement perçue comme un référendum sur l'administration précédente, avec Lee Jae-myung bénéficiant du soutien le plus fort parmi les électeurs centristes".
"Ce qui est particulièrement frappant, c'est que la crise liée à la loi martiale et à la destitution a non seulement influencé les modérés, mais a aussi fracturé la base conservatrice", dit-elle à l'AFP.
Une analyse que partage Kang Won-taek, professeur de sciences politiques à l'Université nationale de Séoul. Pour lui, il est aujourd'hui "difficile" de continuer à associer "politique conservatrice" et "gouvernance compétente", à un moment qui pourrait être "charnière" pour ce camp.
- Défis intérieurs et extérieurs -
Lee Jae-myung, un ancien ouvrier de 61 ans, s'était distingué le soir de la loi martiale en diffusant en direct sa course effrénée vers le Parlement cerné par l'armée, où il avait réussi à se faufiler avec près de 200 autres députés pour voter une motion mettant en échec le coup de force de M. Yoon.
Kim Moon-soo, un ex-dirigeant syndical de 73 ans ayant changé de bord, a au contraire refusé de s'excuser pour son parti au lendemain de la débâcle.
Le futur président du pays de 52 millions d'habitants devra faire face à une crise économique qui s'aggrave, l'un des taux de natalité parmi les plus bas au monde et à la hausse du coût de la vie.
Il devra également répondre à la menace de son imprévisible voisin nord-coréen, et se positionner dans l'affrontement entre les Etats-Unis, garant traditionnel de la sécurité du pays, et la Chine, son principal partenaire commercial.
P.Campos--GBA