

La BCE sûre de son cap dans une mer d'incertitudes, pause en vue sur les taux
La Banque centrale européenne (BCE) se voit en "bonne position" pour affronter "les incertitudes" économiques liées aux droits de douane, après une nouvelle baisse jeudi de ses taux d'intérêt qui alimente les spéculations sur une pause prochaine dans ce long cycle de détente ayant accompagné le reflux de l'inflation.
Les gardiens de l'euro réunis jeudi à Francfort n'ont pas officiellement crié victoire dans leur lutte pour stabiliser les prix, mais leur communication s'y apparente.
L'institution a, comme attendu, baissé ses taux - pour la huitième fois en un an - grâce à l'inflation dans la zone euro qui "se situe actuellement autour" de l'objectif de 2,0% visé par la BCE.
Depuis juin 2024, le reflux de l'inflation en zone euro a permis de lâcher du lest sur les taux, inversant un cycle de resserrement monétaire amorcé deux ans plus tôt pour endiguer la flambée des prix, avec un taux de dépôt grimpant jusqu'à un plus haut historique de 4,0%.
Ce taux, qui sert de référence, a été diminué jeudi d'un quart de point, le plaçant à 2,0%, niveau qui n'est plus pénalisant pour l'économie.
Sans dire explicitement que la BCE pourrait faire une pause dans ses baisses de taux, la présidente de l'institution, Christine Lagarde a souligné qu'"au niveau actuel des taux d'intérêt", la BCE arrive "à la fin d'un cycle de politique monétaire qui répondait à des chocs cumulés, dont le Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise énergétique", qui avaient fait s'envoler les prix.
Toujours prudente, dans le climat "d'incertitudes exceptionnelles" que fait régner l'offensive douanière américaine, la BCE continue d'affirmer qu'elle décidera de son cap en fonction des "données", "réunion par réunion".
Après avoir affronté un enchaînement de crises, les gardiens de l'euro semblent aujourd'hui convaincus d'avoir atteint un point d'équilibre, même sans connaître "le résultat des négociations" entre l'UE et les Etats-Unis sur les droits de douane, ni le "niveau de représailles", avec de possibles impacts sur l'économie, a déclaré Mme Lagarde.
En zone euro, "l'incertitude autour des politiques commerciales" freinera à court terme l'investissement et les exportations, mais la hausse des investissements publics et la solidité du marché du travail soutiendront la croissance et la consommation, "rendant l’économie plus résistante face aux chocs mondiaux", a expliqué la BCE.
- Nouvelles prévisions -
Dans ses nouvelles macroéconomiques, la BCE a ramené sa prévision d'inflation à sa cible de 2,0% pour 2025, contre 2,3% précédemment, et l'a également abaissée, à 1,6%, pour 2026, en raison de la baisse des prix de l'énergie et d'un euro plus fort.
Le PIB de la zone euro devrait quant à lui croître de 0,9% en 2025, comme estimé en mars, mais ne grimper que d'1,1% l'an prochain, contre 1,2% prévu auparavant, en raison de "l'incertitude" liée aux droits de douanes.
Le président américain Donald Trump, qui ne cesse de s'emporter contre l'important excédent commercial envers les États-Unis, maintient une forte incertitude quant à l'ampleur du choc à venir. Son ultimatum sur des taxes de 50% visant les produits européens expire le 9 juillet.
Washington a porté mercredi à 50 % les droits de douane sur l’acier et l’aluminium européens, une décision "fortement" déplorée par le commissaire Maros Sefcovic, qui y voit un obstacle aux négociations en cours.
- Pause en juillet ? -
Après la baisse du loyer de l'argent décidée jeudi, "la BCE ne semble pas pressée de réduire à nouveau ses taux en juillet, sauf en cas de nouvelle escalade des tensions commerciales", a commenté Carsten Brzeski, analyste chez ING.
Contrairement à ce qu'avait déclaré Mme Lagarde plus tôt cette année, la BCE "ne voit désormais plus de risque important de hausse de l'inflation liée aux droits de douane, en raison de représailles limitées de l'UE jusqu'à présent et de l'appréciation de l'euro", ont relevé les analystes d'HSBC.
Démentant toute intention de rejoindre le Forum économique mondial de Davos, Mme Lagarde a affirmé jeudi qu'elle était "pleinement déterminée à remplir [sa] mission et à achever [son] mandat" à la tête de la BCE, qui court jusqu'à fin octobre 2027.
Q.Romano--GBA